07/06/2012

MEHDI-GEORGES LAHLOU : DE VOILES EN VOILES


Créature pour Chaman II, 2012, courtesy Mehdi-Georges Lahlou & Galerie Dix9



Qui est cet homme, Mehdi -Georges Lahlou, un avatar, une présence fantôme insaisissable, une absence physique ? Car de reproductions en reproductions de lui-même, il finit par s’évaporer… Double, triple, quadruple, multiforme, il joue de son corps comme d’une fantomatique présence. On le croit ici, il est déjà ailleurs…. Il disparait dans la noirceur d’un voile


Bruxellois, marocain, français, espagnol, Lahlou est de partout et nulle part…. Les lieux lui appartiennent comme lui, ne se revendique d’aucun lieu ! D’aucun territoire où alors il les embrase tous, tantôt derviche tourneur, dont les mains, dans sa danse cyclique indique la terre et le ciel. Cette incertitude perturbe nos propos. Lahlou est un « madjoub », c’est-à-dire un illuminé de dieu, un renonçant , une Lala Aïcha, cette beauté qui hante les lieux glauques, les tréfonds redoutables, séductrice aux pieds de chèvre. Entre terre et ciel ! Genet fut considéré comme « madjoub » après sa mort. Car la mort n’est jamais loin, derrière les plaisanteries de potache dont Lahlou use avec délectation.


                                            
Equilibre à la pastèque, 2012 courtesy Mehdi-Georges Lahlou & Galerie Dix9


Le blanc de la mort encercle-t-il la vie où la vie se déshabille de la mort ? L’a rend caduque ? Car la vie est un trop-plein de la mort, comme le titre du film « s’en fout la mort » de Claire Denis, et la mort s’en repart, ridicule, penaude, ne pouvant qu’attendre son temps. Ainsi, les derviches, le bras vers le ciel, les liens célestes avec un dieu dont on ne peut citer le nom, et la terre, de la glaise dont nous sommes issus parait-il, maintiennent le lien entre cette glaise qui nous porte et le ciel où dieu prendrait place.


Salât ou autoportrait dirigé, 2011/2012, courtesy Mehdi-Georges Lahlou & Galerie Dix9




Emerge ainsi de cette glaise biblique, de ce le lait maternel, cette mort blanche qui porte sur elle une pastèque, fruit symbole d’abondance dans tout le bassin méditerranéen. Que la pastèque tombe et le sol devient rouge sang, comme le sang christique. Et tout ne devient que vanité… Lahlou ne serait-il pas un soufi moderne, de notre temps, ne portant que son étole de laine, afin de pointer nos incohérences, tel Diogène. Mehdi'Georges Lahlou pourrait dire à dieu, avec un sourire charmeur "Otes-toi de mon soleil!"


  
Le travail de Lahlou est une épreuve de cache-cache avec nous-même, notre culture, il absorbe nos propres personnes dans notre propre miroir, ce qui n’est pas l’une des moindres difficultés. Ses dons de prestigitateur, de magicien qui sort un lapin de son chapeau, un vrai lapin ou encore l’illusion d’un lapin ?



Stupidité contrôlée ou Autoportrait à la Pomme de terre, 2011/2012, courtesy Mehdi-Georges Lahlou & Galerie Dix9
                                            

Talents d’équilibriste aussi, cet artiste ne cesse avec une audace effrontée se frotter aux roueries du monde, de ses hypocrisies, point est la peine de s’étendre sur ce sujet, l’image du métèque suffit à elle seule. Dans la mondialisation, étrangement, les échanges les étaux se resserrent dans le chacun pour soi, qu’un exemple ; l’Europe ! Plutôt que fédérer, elle s’est essaimée en nombres de petits états. Un malsain "chacun chez soi" sourd. Et l’une des grandes forces plastiques de Mehdi-Georges Lahlou, en deçà des pitreries, est de convoquer ses propres richesses culturelles, de reprendre à zéro, d’en créer un langage, de l’ utiliser comme outil en le détournant… Faire vivre, cohabiter, mieux ressusciter…                                                          
Mehdi-Georges Lahlou, possède cette insolente aisance de traverser, bondissant tel un cabri, un champ de mines, sourire narquois aux lèvres, pour se défier de la mort par une pirouette jamais innocente.

Où était-il d’abord ? Une exposition où personne ne l’a vu ! Dans une performance, au coin d'un mur, un don d'ubiquité qui ranime notre merveilleux....


                                                                                                                              Valéry Poulet








QUELQU'UN M'A DIT QUE LE MERVEILLEUX ETAIT REVOLU...
 Galerie Dix9
19 rue des Filles du Calvaire 75003 Paris

exposition du 10 mai au 23 juin 2012
vernissage jeudi 10 mai à partir de 18h
performance de l'artiste à 18h30