14/10/2010

Quand la télé fait son cinéma...





















Emmerdeur professionnel et empêcheur de tourner en rond, Pierre Carles n’en est pas à son coup d’essai ! Mais Fin de concession inaugure une nouvelle phase dans la carrière explosive de l’auteur de Pas vu pas pris - souvent cité dans son dernier film.


Fils naturel de Bourdieu et de Chomsky, Carles s’attaque ici à la privatisation ou plutôt, à la légitimité de la privatisation et du renouvellement de la concession depuis 1987, de la première chaîne de télévision française. L’enquête donne libre cours à l’inspiration du journaliste et du comédien pour le plus grand plaisir des spectateurs. Mais sous les risées, la rage ! Maître dans l’art de l’insolence, Pierre Carles ou Carlos Pedro c’est selon, livre une cinglante leçon de morale et dont personne ne sort indemne.
Et oui ! Chacun en prend pour son grade : aux noces du grand capital et du petit écran, aucun des témoins n’a triomphé gagnant. Vous croiserez vos héros quotidiens, vos stars du matin et vos légendes au soir... De la vraie-fausse interview de Fidel Castro par PPDA aux sacrées soirées d’Elise Lucet, sans oublier les rendez-vous manqués avec Jacques Chancel ou la consécration farcesque de Pujadas, le passage en revue n’épargne personne et tourne tout et tous en dérision. L’auteur lui-même y passe ! D’un monde qu’il parvient à rendre pathétique et cruel, Pierre Carles tire néanmoins une réflexion quasi bouleversante à force de pertinence.








C’est un film. Non. Une farce. Un Molière nouvelle manière où les acteurs jouent le rôle de personnages qui voudraient être acteurs et qui sont des pantins. Et le tout est emmené par une énergie à la fois sauvage et baroque et qui connaît des accents lamentables - au sens noble du terme s’il vous plaît !








Qui est Pierre Carles, et que veut-il ? Que nous veut-il ? C’est que... le côté brouillon est trompeur. Ici, tout est soigneusement calculé. Du masque aux moustaches du vrai-faux journaliste urugayen au costume de la collaboratrice et interprète, rien ou presque n’est laissé au hasard si ce n’est l’allant et la foi de l’enquêteur, du frêle esquif qui s’attaque aux brises-glace d’une télévision qui, privée ou publique semble avoir été achetée par le roi du silence... Arme de désillusion massive, la caméra révèle, accuse et tranche dans le vif. De plans saccadés en perspectives dédoublées, de vraies interviews en pièges simulés, l’équipe de Pierre Carles déroule ses stratagèmes et la partition d’une angoisse qui va croissant et sûrement.







Loin d’être décevant, le résultat est plutôt déconcertant. Et laisse un certain nombre de questions en suspens, à la manière des oeuvres qui font problème et non des divertissements entrecoupés de mauvaise pub’. Au pays de Nicolas Sarkozy, cette fin de concession-là a des airs de riposte tranquille en forme d’espoir... et de pessimisme. Que restera-t-il de tout ça ? A nous... de voir !
Axelle Girard


Un film de Pierre Carles — Produit par Annie Gonzalez — Monté par Bernard SasiaAvecHervé Bourges, Jean-Marie Cavada, Jacques Chancel, Michèle Cotta, Jean-Pierre Elkabbach, Élise Lucet, Étienne Mougeotte, Christine Ockrent, Audrey Pulvar, Bernard Tapie, Charles Villeneuve…2h05 / France / Sortie octobre 2010