13/12/2010

QUAND LE REGARD SE PERD...










courtesy@Galerie Bertrand Grimont


« Vilnius », « Liège », « Odessa », errances urbaines toutes subjectives de Thomas Manneke, photographe, où le hasard des lieux, des personnages amorcent autant de narrations inachevées…


Trois villes, trois lieux qui forment un triangle imaginaire, qui semblent s’opposer dans cet espace géographique, politique, culturel qu’est l’Europe. Qu’ont-elles en partage ? A priori, peu de choses, si ce n’est le fait d’appartenir à cet espace commun.

Ne faut-il pas plutôt chercher ailleurs ? Du côté d’une géographie intime, d’une approche qui tenterait de restituer en quelque sorte une forme de paysage mental plutôt que physique, géographie intime dont le point commun serait Thomas Manneke ?



Odessa@Thomas Manneke

courtesy@galerie Bertrand Grimont


Les photographies de Thomas Manneke, ne semblent pas conforter notre regard dans l’emploi de thématiques communes, de cohérence interne évidente, de récurrences, marquant de leurs présences chacune des séries.

A l’intérieur de chaque d’elle, les photographies passent indifféremment du portrait au paysage urbain. Certes, les personnages croisés dans ces photographies ont affaire avec chacune des villes respectives, vivent, côtoient de près ou de loin ces paysages présentés. Thomas Manneke ne nous en délivre pas les clés. Les sujets ne semblent avoir que peu de rapports entre eux, nous livrent une vision disparate du monde dans lequel ils prennent place.

Rien ne vient non plus accorder à notre regard, une identification, un repère sauf parfois à jouer du réflexe culturel, à se raccrocher à quelques physionomies, à quelques architectures, à supputer sur une éventuelle localisation, mais guère plus. Cette fille, qui danse, par exemple, ou encore cette famille de « gitans » ou de « Roms »: Liège, Vilnius, Odessa ?



Vilnius@Thomas Manneke

courtesy@galerie Bertrand Grimont


Quel rapport établir, par exemple, entre une vue aérienne de Vilnius, prise en noir et blanc et une autre photographie de la même série, cette fois_çi en couleur où deux filles regardant un cours d’eau ?

Un sentiment de confusion renforcée par le choix non unitaire des tailles, différentes bien souvent, des supports qui mêlent argentique et numérique, aussi du passage, à priori arbitraire, du noir et blanc à la couleur selon les sujets… Tout cela, parait, dans un premier temps, jouer, chez Thomas Manneke, de la volonté d’égarer notre regard et nous engager dans la voie d’un flottement incertain, où s’efface tout discours établi sur le réel.

Une vision subjective sans objet tangible dans une première instance.

Nous nous retrouvons dans un entre-deux, un no man’s land, qui nous entraine et joue insensiblement entre documentaire et intimisme…



Liège@Thomas Manneke

courtesy@galerie Bertrand Grimont


Mais peu à peu, ces photographies se révèlent, viennent entamer un dialogue discret et subtil entre elles et avec nous: une attitude, un regard, une posture… Des constantes se dessinent, les architectures sont photographiées comme vidées de ses habitants dont on ne perçoit que les traces.

Bientôt se construisent des bribes de narrations laissées en suspens. Des liens se tissent… Narrations internes à chaque photographie, comme avec cette gamine assise, solitaire, parmi les adultes et les détritus d’une fête, ayant comme seul compagnon, la statue d’un personnage, comme ce garçon, bière à la main, qui semble avoir grandi trop vite, sort_il d’une fête avec son costume ? Ou encore comme dans cette série lithuanienne où le même personnage, une fille, est prise en des contextes et situations différentes : en soirée, puis seule, dans uncimetière et enfin, plongée dans une contemplation vers un extérieur invisible

Manneke nous parlent de mise à l’écart, de périphérie, dans un léger pas de côté qui vient esquisser la solitude des personnages, l’universalité de leurs conditions. Qu’importe de vivre à Liège, Odessa ou Vilnius, d’être cette fille de Vilnius contemplant par une fenêtre un horizon invisible, ou ces tombes illuminées d’un cimetière, d’être cette danseuses sur une piste de danse... Ou cette gamine assise celle au milieu d’adultes en fête.



Liège@Thomas Manneke

courtesy@galerie Bertrand Grimont


Le temps se fige, un temps suspendu à la lisière entre enfance et monde adulte, Thomas Manneke se fait le témoin d’une enfance contrariée à la recherche d’un point de fuite invisible. Une sourde mélancolie s’empare de nous, un « je ne sais quoi » indéfinissable entre nostalgie et mélancolie, la « saudade » nous prend dans la densité des regards, de ces portraits, de ces architectures vides…

Une sculpture à Liège ressemblant s’y tromper à une œuvre du réalisme-socialiste, représente un homme. La bouche de la sculpure est maquillée de rouge, en fait un lieu de drague homo… Cette fillette placée entre les jambes de deux adultes, cette autre fillette, seule sur son banc entourée d’adultes fétards… Là encore, Manekke nous confronte à la périphérie des choses…

Perce alors en filigrane, un regard sur les laissés pour comptes, sur leurs silences… Et ce, sans spectaculaire… Manekke glisse ses photographies dans les interstices, dans ces espaces laissés vacants où se rejoignent intime et documentaire.


Vilnius @ Thomas Manneke

courtesy@galerie Bertrand Grimont


A côté d’une jeune lithuanienne, un jeune homme, masqué, regarde un hors-champ. Deux filles de dos, observent le cours insaisissable d’une rivière…

Une dernière encore ; un peintre prend la pose, face à son chevalet, derrière lui, un masque. Cette reprise toute personnelle des « Ménines » de Velasquez, engage un face à face, avec le photographe, avec nous, de façon presque ironique.

Un face à face entre le peintre et son modèle, entre le photographe et son sujet... Serait-ce une réponse, une piste ?

Thomas Manneke nous invite t-il à perdre notre regard...


Thomas Manneke

"Vilnius, Odessa, Liège"

Jusqu'au 31 Décembre 2010

Galerie Bertrand Grimont

47 rue de Montmorency

75013 Paris


CONTACT:
info@bertrandgrimont.com
+0331 42 71 30 87
+0336 85 45 01 30


03/12/2010

Hors des murs









@galerie Nathalie Obadia

« Loft » présenté par Joanna Vasconcelos s’inscrit dans la lignée des thématiques qu’elle aborde depuis quelques années déjà : architecture, design, mode… Thématiques toujours abordées sous le prisme critique du féminisme.

Constitué d’espaces entièrement ouverts, un Loft est, par définition, réalisé dans un ancien atelier, entrepôt ou usine. Celui-ci garde souvent l’empreinte, les vestiges de son activité passée. Le « loft » est un lieu d’habitation détourné, un lieu de vie, aux connotations particulières qui renvoient au monde du travail et à la production industrielle…

Avec « Loft », Joana Vasconcelos transforme la galerie Nathalie Obadia en cet espace particulier. La galerie est subdivisée par des parois recouvertes de différentes surfaces utilisées pour la décoration des intérieurs (marbre, papier peint…) Ces espaces ainsi créés se voient attribués une fonction spécifique : séjour, cuisine, salle de bain, chambre… Ces espaces de vie sont traversés par des formes rhysomiques et tentaculaires. Celles-ci viennent prendre possession de l’espace, l’envahissent, l’obstruent, contrarient le parcours, la déambulation de pièces à pièces. Ces formes sont faites de patchworks de tissus de différentes matières, de dentelles, de tricots…


@galerie Nathalie Obadia

Joanna Vasconcelos a souvent pris en charge et s’est souvent préoccupé dans son travail de la question féminine.

Ici, l’artiste positionne son travail sur l’idée de foyer, de domesticité, lieu souvent dévolu, dans notre société, à la femme, considérée comme la maitresse de maison, gardienne de la domesticité… L’image de Pénélope, épouse fidèle et passive, tissant dans l’attente d’Ulysse, nous vient à l’esprit. Mais ici, surprise, Pénélope déborde, envahit, sort des murs. Ces formes tentaculaires sont comme autant d’échappées belles, de revendications face à l’enfermement, aux servitudes quotidiennes dans lesquelles sont encore tenues les femmes, dans notre société occidentale pour ne parler que d’elle...

@galerie Nathalie Obadia

Dans ce « loft », l'artiste provoque une reprise en main de l’espace par le féminin : tricots,tissages, travail textile sont généralement assimilés à l’univers féminin.

Vasconcelos joue donc de la métaphore en rendant visible les parties cachées d’une maison : tuyauteries, fils électriques, qui transmettent, font circuler l’énergie nécessaire à la viabilité du lieu mais aussi évacuent, vidangent, métaphore du féminin qui s’échappe ainsi du rôle imparti... Ils ne sont plus dissimulés dans les plinthes ou dans les murs, mais exposés au grand jour, en de joyeuses couleurs, en une exubérance toute baroque.

Joanna Vasconcelos enclenche à travers son dispositif un jeu entre intime et publique, ici l’intime vient envahir l’espace, jeu aussi entre le détail et le monumental, pièces différenciées des patchworks, minutie des broderies et expansion des sculptures.

@Joanna Vasconcelos

Vasconcelos engage souvent son travail dans une pratique du détournement, ces détournements sont souvent ludiques, prenant pour matière généralement des objets usuels et qui, par ce biais, engagent la réflexion sur nos aliénations.

Dans « Loft », Joanna Vasconcelos nous invite donc à une réflexion sur la condition féminine, au monde du travail, sur cette double peine infligée aux femmes devant cumuler activité professionnelle et activité domestique. Mais la réflexion déborde le cadre de cette condition féminine et s’élargit sur le devenir de nos société post-industrielles -la production textile, par exemple, souvent dévolue aux femmes, employées comme ouvrières, a été quasiment délocalisée – qui recycle ce passé industriel révolu et en révoque l’histoire ouvrière de nos sociétés « avancées » soit dans les oubliettes de la mémoire ou alors dans les écomusées.


@joanna Vasconcelos


A ces oublis, à ces omissions "volontaires?", à ces pertes, Joanna Vasconcelos oppose un travail artisanal, qui se réapproprie le local, fait vivre un savoir-faire (en l’occurrence, ici, portugais) face à un global réifiant, vendeur d’uniformité et ce, sans pathos inutile, stérilisant et surtout sans sombrer dans la notion inhumatrice de patrimoine...


"Loft" Joanna Vasconcelos

jusqu'au 18 décembre

Galerie Nathalie Obadia

3 rue Cloitre Saint-Merri

75004 Paris



18/10/2010

Du bling bling et du monde...













Tout en se livrant à une vision personnelle et subjective, Arnaud Cohen n’hésite pas à plonger ses travaux dans l’ici et maintenant, à se confronter à l’aune de l’actualité, une forme de guérilla ludique…

Arnaud Cohen propose un univers « kitch » en apparence, peuplé d’objets ou de figures colorées, voire criardes, objets déjà existants, mais customisés, traficotés, ayant subi des hybridations… Rien de bien sérieux de prime abord : nains de jardins affublés d’un sexe à la place du nez, chinoiseries… Ces objets de prime abord inoffensifs sont loin d’être innocents…

Arnaud Cohen prend volontairement le risque d’inscrire ses travaux dans une période donnée. Le titre de son exposition « Love is coming, mes années Sarkozy part I » donne le tempo.


"Bling Bling Parade"


Le premier réflexe est donc de considérer les œuvres proposées comme indissociables à cette période précise liée à un nom. Effectivement pour certaines d’entre-elles, comme « Bling_bling parade » ou encore « Plonge plug presidentiel »,la lecture est immédiatement assimilable au mandat Sarkozy.


« Plonge plug présidentiel »



Utilisations d’objets donc, mais objets détournés puis recontextualisés. Arnaud Cohen recharge ceux-ci à coup de signifiances. La mise en confrontation, la mise en jeu, l’interaction viennent toujours soutenir une réflexion,un point de vue critique, politique, en l'occurence ici, le libéralisme.

Il ne s’agit pas « Des années Sarkozy » mais de « Mes années Sarkozy », nuance importante, le point de vue ne s’impose pas comme seul légitime, ou ayant valeur de vérité absolue : la subjectivité est ici revendiquée. Arnaud Cohen ne cherche pas à contraindre mais plutôt à aiguiller… Son travail ne relève pas d’une activité comptable en terme d’efficacité militante. La revendication d’une subjectivité permet de faire preuve d’un retrait nécessaire bien qu’utilisant certains procédés de l’Agit-Prop, à l’exemple des « vanités » armées qui fonctionnent comme autant d’interpellation en nous pointant du doigt si l’on peut dire.



"Vanité au renardeau"


Cette dimension temporelle apportée dans les travaux d’Arnaud Cohen, les emprunts aux objets quotidiens, à la BD, à un univers populaire, le rapproche de la démarche de la « Figuration narrative » notamment de Fromanger ou encore d’un Lebel…

Arnaud Cohen pourrait faire sienne cette déclaration de Gérald Gassiot-Talabot, « à la dérision statique du pop américain, ils opposent "tous" la précieuse mouvance de la vie ». Arnaud Cohen ne dénie pas toute filiation avec le Pop Art mais en dépasse l’attitude ambigüe : posture cynique, voire complaisante avec la société post-

Mais Arnaud Cohen n’est pas dupe de l’illusion idéaliste subséquente à toute tentative d’art « militant », « Love is coming » dans son ensemble s’appréhende plus comme un journal de bord, comme un travail de chroniqueur…

Il vient aussi puiser dans les codes culturels et iconographiques occidentaux qui nourrissent notre imaginaire collectif: vanités, images de martyrs qui peuplent l’art religieux occidental, reprises de tableaux consacrés au patrimoine culturel comme « L’enlèvement des Sabines » de David. Cette réappropriation d’un David réfère évidemment à la peinture d’histoire et à l’utilisation idéologique de la peinture. David, d’abord jacobin, puis peintre officiel de Napoléon.

Chez Cohen, le crâne de la vanité s’efface et laisse place à une main qui brandit un pistolet, le thème de la crucifixion, « Saint Sébastien » et autres représentations subissent le même sort. Ceux-ci sont recyclés et les corps deviennent carlingues d’avions sur lesquelles viennent se marquer les stigmates du martyr.


"Crucifixion"


Le travail d’Arnaud Cohen est souvent à double détente et polysémique.Il joue, dans un premier temps, avec ironie du renversement des valeurs. Mais cette ironie laisse vite place à un sentiment de trouble… Les avions ou parties d’avions qui constituent des œuvres comme « Crucifixion », « Saint Sébastien » ou « Saint Jean » nous explosent au visage et à cette première lecture immédiate placée sous la figure de Sarkozy vient s’en déployer une seconde. A l’instar de Badiou qui dans « De quoi Sarkozy est-il le nom ? » venait s’interroger sur ce que Sarkozy représentait, Arnaud Cohen élargit le champ et vient contextualiser « Love is coming, mes années Sarkozy » dans une perspective plus grande celle du post-11 septembre.

« A cet égard, ne peut-on pas dire que l’attaque du World Trade Center est aux films catastrophe hollywoodiens ce que la pornographie snuff est aux pornos sado_maso classiques ? C’est à ce titre que n’est pas fausse la déclaration provocatrice de Karl-Heinz Stockhausen selon laquelle les avions frappant les tours constituaient une œuvre d’art : on peut tout à fait percevoir l’effondrement de ces tours comme la conclusion de « la passion du réel » de l’art du XXe siècle »

Slavoj Zizeck

Le spectre du 11 septembre surgit ici. avec dans un premier temps, un questionnement sous-jacent qui ne se lasse pas d’interpeller par son ambivalence. Ambivalence évidemment recherchée par Arnaud Cohen : qui sont les martyrs ? Les victimes des attentats où comme dans la phraséologie islamiste les auteurs des attentats ?

Référer ici à l’iconographie chrétienne, comme le fait Arnaud Cohen, vient aussi éprouver le discours intégriste chrétien prompt à dénoncer l’Islam comme religion intolérante, vient aussi nous questionner sur les thèses controversées de Samuel Huntington soutenues dans son livre « Le choc des civilisations ».

Dans un second temps, Arnaud Cohen pose la question de la perception du réel, de notre réel, « Desert of the real » œuvre qui donne à voir une carte d’Europe et au titre inspiré du film Matrix et reprit par Slavoj Zizeck, renvoie à notre sidération face à l’événement et à cette idée d’une nouvelle ère. Et pour encore citer Zizeck

« Rien ne se passe au niveau de la réalité matérielle visible, aucune explosion massive ; pourtant lunivers connu commence de seffondrer, la vie se désintègre. » in Bienvenue dans le monde du réel, Slavoj Zizek, Flammarion, 2005

Ce que souligne Arnaud Cohen, avec une amère ironie : Love is coming!

Ces « vanités » armées qui nous pointent bras tendus, ne nous désignent-elles pas dans toute notre potentialité de victime, des bras sans visages, un ennemi invisible que nous ne pouvons identifier… Voilà l’effet de réel !

« Love is coming » nous tend aussi les bras par la forte potentialité sexuelle qui émane des œuvres : Pistolets tendus comme des sexes, formes oblongues du fuselage des carlingues, un univers à la James Bond… Les Sabines, assimilées à des pneus ne sont plus que des orifices béants soumises aux désirs de l’Empire, nains de jardins aux appendices godeuses…

Là encore, Arnaud Cohen joue de l’ambivalence : le sexe et la mort ont partie liée. Pulsion de mort et pornographie ? Où le sexe n’est plus que l’image du sexe…

Pornographie d’une présidence qui abreuve son règne de paraitre, pornographie d’une servitude zélée au service de l’idéologie libérale, celle de « l’homme au rats », surnom donné par Alain Badiou à Nicolas Sarkozy,

« Love is coming, mes années Sarkozy » dresse juste un constat et nous met en garde : Sarkozy n’est que le cache-sexe de l'iceberg…


Arnaud Cohen

"Love is coming, mes années Sarkozy, part I"

jusqu'au 6 novembre 2010


Galerie Xavier Nicolas

12, Rue des Coutures Saint Gervais

75003 PARIS

14/10/2010

Quand la télé fait son cinéma...





















Emmerdeur professionnel et empêcheur de tourner en rond, Pierre Carles n’en est pas à son coup d’essai ! Mais Fin de concession inaugure une nouvelle phase dans la carrière explosive de l’auteur de Pas vu pas pris - souvent cité dans son dernier film.


Fils naturel de Bourdieu et de Chomsky, Carles s’attaque ici à la privatisation ou plutôt, à la légitimité de la privatisation et du renouvellement de la concession depuis 1987, de la première chaîne de télévision française. L’enquête donne libre cours à l’inspiration du journaliste et du comédien pour le plus grand plaisir des spectateurs. Mais sous les risées, la rage ! Maître dans l’art de l’insolence, Pierre Carles ou Carlos Pedro c’est selon, livre une cinglante leçon de morale et dont personne ne sort indemne.
Et oui ! Chacun en prend pour son grade : aux noces du grand capital et du petit écran, aucun des témoins n’a triomphé gagnant. Vous croiserez vos héros quotidiens, vos stars du matin et vos légendes au soir... De la vraie-fausse interview de Fidel Castro par PPDA aux sacrées soirées d’Elise Lucet, sans oublier les rendez-vous manqués avec Jacques Chancel ou la consécration farcesque de Pujadas, le passage en revue n’épargne personne et tourne tout et tous en dérision. L’auteur lui-même y passe ! D’un monde qu’il parvient à rendre pathétique et cruel, Pierre Carles tire néanmoins une réflexion quasi bouleversante à force de pertinence.








C’est un film. Non. Une farce. Un Molière nouvelle manière où les acteurs jouent le rôle de personnages qui voudraient être acteurs et qui sont des pantins. Et le tout est emmené par une énergie à la fois sauvage et baroque et qui connaît des accents lamentables - au sens noble du terme s’il vous plaît !








Qui est Pierre Carles, et que veut-il ? Que nous veut-il ? C’est que... le côté brouillon est trompeur. Ici, tout est soigneusement calculé. Du masque aux moustaches du vrai-faux journaliste urugayen au costume de la collaboratrice et interprète, rien ou presque n’est laissé au hasard si ce n’est l’allant et la foi de l’enquêteur, du frêle esquif qui s’attaque aux brises-glace d’une télévision qui, privée ou publique semble avoir été achetée par le roi du silence... Arme de désillusion massive, la caméra révèle, accuse et tranche dans le vif. De plans saccadés en perspectives dédoublées, de vraies interviews en pièges simulés, l’équipe de Pierre Carles déroule ses stratagèmes et la partition d’une angoisse qui va croissant et sûrement.







Loin d’être décevant, le résultat est plutôt déconcertant. Et laisse un certain nombre de questions en suspens, à la manière des oeuvres qui font problème et non des divertissements entrecoupés de mauvaise pub’. Au pays de Nicolas Sarkozy, cette fin de concession-là a des airs de riposte tranquille en forme d’espoir... et de pessimisme. Que restera-t-il de tout ça ? A nous... de voir !
Axelle Girard


Un film de Pierre Carles — Produit par Annie Gonzalez — Monté par Bernard SasiaAvecHervé Bourges, Jean-Marie Cavada, Jacques Chancel, Michèle Cotta, Jean-Pierre Elkabbach, Élise Lucet, Étienne Mougeotte, Christine Ockrent, Audrey Pulvar, Bernard Tapie, Charles Villeneuve…2h05 / France / Sortie octobre 2010

« Contrepoint » une exposition bien sage…
















Après de multiples censures et autres péripéties l’exposition « le contrepoint russe » a enfin pu débuter en ce Mercredi 13 octobre.


L’attente fut intense autant que le soulagement de la commissaire de l’exposition Marie-Laure Bernadac qui entre tracas administratifs et désaccords avec les artistes a dû batailler jusqu’à la dernière minute pour le « contrepoint » puisse avoir lieu dans des conditions à peu près « normales » ! Mais en ce Mercredi jour de grève et de revendications non moins politiques que celles des artistes de la lointaine Russie… c’est une exposition bien sage qui nous attendait au cœur de la partie médiévale du Louvre …







Yuri Leiderman
Geopoetics, 2010
Dans la série « Geopoetics », performance au Louvre.
© Yuri Leiderman



Quelques œuvres, pas assez nombreuses hélas, d’une quinzaine d’artistes parmi les plus connus de la scène artistique russe telles les maquettes et esquisses d’Emilia et Ilia Kabakov : Les « Iron Mushrooms » d’Igor Makarevitch et Elena Elagina représentant une amanite symbole de la Russie de la tradition sur laquelle repose la tour de Tatline ouvrant la voie à la modernité« Black Night, White Snow » d’Erik Boulatov , « Russia’s most wanted painting » de Komar et Melamid« Business Man Toy Factory » d’AES+F Grouple sulfureux « Abstractionnism Radical » d’Avdeï Ter-Oganian, et « The Flag of Mordor Black Square with Curls » de Pavel Pepperstein …




Ilya et Emilia Kabakov

Esquisse pour le donjon, 2009
© Adagp, Paris 2009





Le choix de présenter des artistes connus et reconnus de « diverses générations et tendances du renouveau de l’art contemporain russe dont le Conceptualisme de Moscou », est une volonté délibérée de montrer un art contemporain russe radicalement critique et politiquement engagé. C’est un choix, pourquoi pas ? Mais dans ce cas faut-il vraiment s’étonner que la censure, le boycott et les revendications en faveur de l’artiste russe exilé Oleg Mavromatti viennent « brouiller » l’harmonie du « contrepoint » ?



Rappelons qu’il y a une dizaine de jours, le travail d’Avdeï Ter-Oganian avait été censuré par les autorités… La solution de faire réimprimer les dites œuvres (qui sont des multiples) fut alors proposée par Mr Guélman, le galeriste de Ter-Oganian. Ter Oganian refusa en formulant 2 exigences pour accepter que son travail puisse être montré au Louvre. Exigence N°1 : que la censure soit levée et son travail envoyé au Louvre à partir de Moscou. Exigence N° 2 : que l’artiste Oleg Mavromatti actuellement exilé en Bulgarie, dont on refuse de prolonger le passeport et qui de ce fait doit rentrer en Russie où l’attend au mieux la prison (à cause d’une performance que l’église a jugée irrespectueuse à l’encontre de l’orthodoxie), et au pire la mort ( car il a subi de nombreuses menaces)...







© Ter-Avdyei Oganyan




Grace à la persévérance de Mme Bernadac la censure a été levée… et l’œuvre de Ter-Oganian est arrivée au Louvre sans encombre. Mais pour le cas Mavromatti, aucune solution n’a pu être trouvée à ce jour! Ter Oganian, conscient des difficultés du Louvre est néanmoins resté intransigeant (voir lettre N°2 à Mme Bernadac) refusant que son œuvre soit exposée tant que le cas Mavromatti ne serait résolu.Dans sa lettre il demandait qu’en lieu et place de son travail apparaisse un texte qui expliquerait aux visiteurs la situation de Mavromatti.





Il est à remarquer que la plupart des artistes participant à « Contrepoint » ont pour marchand Marat Guelman, propriétaire de la Galerie Guelman à Moscou, mais aussi Directeur du Musée d’art contemporain de Permm (Russie). Soulignons également que parmi les œuvres présentées, celles de A.Brodsky, de Komar et Melamid et de Ter-Oganian appartiennent à la collection du Musée de Permm, tandis que celles de Dubossarsky & Vinogradov appartiennent, elles, à la collection Marat Guelman Gallery De fait, les œuvres que Ter-Oganian refuse de voir exposées au Louvre appartiennent au Musée de Permm, lequel malgré l’avis contraire de Ter-Oganian a décidé de les prêter au Louvre !Aujourd’hui, jour de vernissage alors que les 4 œuvres de Ter-Oganian étaient bel et bien accrochées…







Ter Ogadian interview©gilda guegamian



J’ai entraperçu dans un recoin du couloir non loin de la salle d’exposition un homme agité parlant russe avec une journaliste et son interprète qui essayaient de l’interviewer. C’était Ter-Oganian, qui nous a expliqué être venu pour l’exposition, car il avait besoin de s’expliquer. « Mon travail est un acte politique. La présence de mes œuvres ici est un non-sens. Tant que Mavromatti ne recevra pas un passeport et ne sera pas libre, la présence de mes œuvres ici sera un non-sens.J’ai écrit un texte de huit pages pour expliquer la situation. Je voudrais qu’on m’autorise à les lire ! »

« Vous savez je comprends mes collègues artistes, c’est un rêve que de pouvoir exposer au Louvre, même si ce n’est qu’une exposition dans une petite cave (маленький подвал)… mais il aurait suffi qu’ensemble avec le Louvre nous fassions pression pour que les choses changent pour Mavromatti, car pour lui c’est une question de vie ou de mort! »


Aujourd’hui, jour de vernissage où la jet set regarde champagne à la main des œuvres dites « engagées », quelque part en Bulgarie, un homme, Oleg Mavromatti, attend de savoir si une exposition constituée d’œuvres politiquement engagées, saura s’engager à ses côtés et à travers lui défendre la liberté d’expression. Mais la vie, ce n’est pas de l’art… et dire n’est pas faire !



Gilda Guégamian



Lettre N°2 de Ter-Avdyei Oganyan à Marie-Laure Bernadac, commissaire de l'exposition



"Chere Marie-Laure!




Je vous remercie pour vos aimables paroles au sujet de mon travail ainsi que de votre compréhension.



Notre petite victoire me rend bien sûr, très heureux. Après tout, le ministère de la Culture de la Russie a effectivement reconnu avoir porté à tort des accusations d'incitation à la haine religieuse sur des artistes et leurs œuvres .

Mais je ne peux en aucun cas me satisfaire de cette victoire sur le terrain symbolique. C'est en ce moment précis qu'Oleg Mavromatti risque la prison, simplement parce qu'il a lors de sa performance représenté la crucifixion du Christ. L'essentiel de mes exigences est adressé au Ministère russe des Affaires étrangères, et même si ce problème n'est pas résolu, ils seront au minimum déshonorés.

S'il n'y avait pas eu les problèmes de Mavromatti je n'aurais sans doute pas présenté un ultimatum au ministère de la Culture et aurais peut-être accepté le fait que mon travail soit imprimé à Paris.

Je suis peiné que les autres artistes ne me soutiennent pas. Mais je connais bien ces personnes et les comprends parfaitement. Mon but n'est en aucune façon de les discréditer,et encore moins en ce qui vous concerne. S'il vous plaît comprenez moi bien. J'ai déjà fait une déclaration publique où j'ai dit que je refuserai de participer à l'exposition sans que le problème d' Oleg Mavromati ne soit résolu. Cette déclaration n'a pas été spontanée. Je ne vois pas de raisons de la réfuter. Mon objectif était et est d'attirer l'attention non seulement la Russie mais aussi du public français, sur le problème très spécifique d'un artiste, qui doit impérativement être résolu maintenant. Il me semble que le public français peut avoir un impact non seulement sur le ministère russe des Affaires étrangères, mais aussi sur le service en charge des réfugiés du ministère des Affaires étrangère de Bulgarie.

Pour ma part, il est clair que l'absence de mon travail à l'exposition attirera plus l'attention du public que sa présence.

Encore une fois je vous prie de bien vouloir m'apporter votre soutien sur ce sujet. Vous pouvez me soutenir juste, en soulignant mon absence en laissant l'espace du mur où aurait dû figurer mon travail vide avec un bref commentaire sur les raisons de mon refus.

Je pense qu'une lettre au ministère pour les réfugiés en Bulgarie (http://community.livejournal.com/mavro matti/3708.html ),provenant d'une grande institution comme le Louvre, pourrait impressionner les fonctionnaires bulgares.

Encore une fois je vous prie de m'excuser. Je veux croire que vous n'entraverez pas mon désir de ne pas participer à l'exposition.

Cordialement,

Votre Ter-Avdyei Oganyan

30/09/2010

Ne rien lâcher...





















Le troisième volet de la série « Resistances » éditée en DVD par Lowave Label propose une compilation de vidéastes et de plasticiens du Moyen-Orient et du Maghreb à partir d’une thématique commune comme l’indique le titre éponyme : la résistance.


Résistance :nom féminin,
Action de résister physiquement à quelqu'un, à un groupe, de s'opposer à leur attaque par la force ou par les armes. Action de résister à une autorité, de s'opposer à ce qu'on n'approuve pas : Résistance à l'arbitraire. Se heurter à la résistance de ses proches. Capacité de quelqu'un à résister aux épreuves physiques ou morales, d'un être vivant à résister à des conditions de vie extrêmes : Avoir une bonne résistance à la fatigue. Propriété d'un matériau de résister aux effets d'un agent extérieur : Matière textile utilisée pour sa résistance. Force qui s'oppose au mouvement dans un fluide : La résistance de l'air.

Les conjonctures, politiques, religieuses, sociétales, sont hélas suffisamment légions dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient pour confronter et presser les artistes issus de ces régions à adopter des attitudes de résistances : régimes autoritaires, intégrismes, guerre civile, droit de l’homme, condition de la femme, pauvreté, conflit israélo-palestinien…
Dans les travaux sélectionnés et proposés par Lowave, ces attitudes de résistances prennent différentes voies qui vont du réquisitoire à la dérision. Les choix formels que les artistes adoptent, épousent un éventail très large qui va du court-métrage de fiction à la vidéo expérimentale. Certes les vidéos présentées ne sont pas toutes d’égales valeurs mais cette compilation dresse un panorama assez exhaustif, suffisamment varié de la production contemporaine trop méconnue du Moyen-orient et du Maghreb.

















« Les illuminés », Halida Bougriet (Algérie)


Les thématiques parcourues sont évidemment celles précédemment citées. Une part importante des vidéos proposées interrogent et interpellent la condition de la femme : « Les illuminés » de Halida Bougriet (Algérie) capture notre regard par un point de vue en caméra subjective d’une femme portant la burqa, cette femme (nous) croise des gens dans le métro, expressions surprises, curieuses, choquées, génées se lisent sur les visages ; dans « Coloured Photograph » à l’esthétique rappelant les campagnes de United Colors of Benetto, Waheeda Malullah (Bahrein) choisit, elle, de colorer un groupe de femmes revêtues de Burqas noires, figées dans un quasi plan fixe pris frontalement. « This smell of sex » mêle très subtilement témoignages très libres de jeunes, hommes et femmes sur leurs rapports avec la sexualité. Ceux-ci n’apparaissent jamais à l’écran qui demeure noir et nous plonge à notre tour dans la frustration. Oscillant d’un imaginaire presque orientalisant et exotique : « Coloured Photograph », à un noir et blanc « trash », tourné en situation réelle et relevant quasi du happening, avec « Les illuminés », ou par la disparition de la figure dans « This smell of sex ». Ces trois vidéos, outre de relever les problèmes liés à la condition de la femme, ont en commun de sonder notre propre regard face à l’altérité avec des dispositifs différents.
















« Coloured Photograph » Waheeda Malullah (Bahrein)


« Si le nom adosse l’humain à sa condition d’être mortel, le visage parce que voyant visible, est ce qui permet à l’homme de s’appréhender dans l’œil de son vis-à-vis et de voir le reflet de lui-même »
Houria Abdelouahed in Art Press 371, "L'érotique d'un voile"


Dans ces trois vidéos, il est donc beaucoup question de la circulation du regard. Stratégies différentes : le frontal donc avec « Coloured Photograph , l’absence avec « This smell of sex » cette absence renvoie à un jeu de frustation donc mais aussi explicitement à l’idée de censure : choix imposé par les circonstances ou volonté de la réalisatrice, peut importe… « Les illuminés » frappe lui par le renversement de point de vue effectué au final, et interroge aussi notre part de condescendance, la femme voilée, ici, devient comme un animal de zoo qui l’on observe. Chaque étant situé de part et d’autre d’une frontière bien délimitée. L’on pourrait aussi rattacher, à des degrés moindres, la très belle vidéo d’Ismaïl Bahri « Résonances » à cette problématique. En effet cette vidéo a pour décor, une salle de bain, lieu de la toilette, lieu qui renvoie à la sphère du privé, de l’intime en opposition à l’image publique et à la violence qui peut s’en dégager comme dans « Les illuminés », la part fantasmatique du regard occidental peut s’y retrouver engagée, images orientalisantes du harem, du hammam, calligraphie arabe qui recouvre les parois d’une baignoire… Portrait de femme aussi dans « La parade de Taos » de Nazim Djemaï (Algérie), déambulation d’une femme dans un Alger encore sous le coup des années de guerre civile, couples illégitimes, amours et sexualité confinés à la clandestinité. Malgré les injures d’enfants l’assimilant à une sorcière, cette femme trace sa voie, la tête haute…
















« Résonances », Ismaïl Bahri



Conditions politiques aussi, dans les mots inscrits sur les parois de la baignoire, tentent de s’accrocher désespérément, de résister à l’eau qui s’écoule, peu à peu s’effacent, se dissolvent, un rappel métaphorique de la privation de la liberté d’expression notamment en Tunisie d’où est originaire Ismaïl Bahri ?
Perte d’un rêve, perte de territoire, perte de liberté… Rêves déchus…

« Revolution » de Khaled Hafez (Egypte) nous confronte avec le rêve Nasserien, le panarabisme, les espoirs levés en 1952 avec la proclamation de la république en Egypte, nous interroge sur ces espoirs… Trois personnages sont confrontés : le civil , le religieux et le militaire, chacun est séparé, compartimenté, enfermé dans un cadre, pas de porosité possible, paraboles de logiques et d’aspirations différentes concernant la construction de la société ? En tout le dialogue ne s’établit pas, ne s’établit plus. Le militaire pointe son arme vers les deux autres personnages : est-il le garant de la cohésion du pays comme en Turquie, l’armée est garante de la liberté ? Est-il une menace ?
« S’agit-il de critiquer ou de légitimer l’influence du pouvoir militaire qui reste le véritable maître du jeu politique dans certains pays ? Le moment est-il venu de réactiver et d’appliquer le slogan de la gauche révolutionnaire des années soixante du tiers-monde affirmant que « le pouvoir est au bout du fusil » ? » comme le souligne Olivier Hadouchi dans la préface de ce recueil.
















« 3 494 houses and one fence » Mireille et fabian Astore



Evocation de la guerre civile libanaise avec « 3 494 houses and one fence » de Mireille et fabian Astore (Liban) qui dans une vidéo filmée dans une banlieue résidentielle d’Australie, maelström de façades de maisons accompagné d’une bande-son constitué de rafales de mitraillettes, d’explosion, ponctuées d’arrêts sur images où s’ouvrent des béances sur des clôtures, des murs évoquant les barbelés, les destructions, nous rappelle d’une part, qu’ailleurs , hors de notre tranquillité, des guerres se déroulent, d’autre part que la démocratie et la paix n’est pas une conquête définitive.

Conflit israélo-palestinien, avec « Run Lara, Run » de Larissa Mansour (Palestine), ici pas d’évocation directe du conflit, mais juste une fille qui court en tout sens, à perdre haleine, se heurte à des murs, des portes closes, ne trouvant pas d’échappatoire possible. Une femme, encore, qui tente de rendre compte, par sa course éperdue, de l’incommensurable de la situation politique d’un territoire réduit, dépecé peu à peu, où l’avenir s’avère précaire, où le désir de fuite prend le pas sur l’espoir pour toute une jeunesse. L’incommensurable s’exprime là aussi dans « We began by measuring distance » de Basma Alsharif (Palestine), distances mesurée entre Oslo, Madrid, Charm-El-Cheikh, distances mesurées de la perte des territoires, d’un monde avant la tragédie, distance de l’exil pour bon nombre de Palestiniens. Exil, perte, évoqués par la terre, les fruits, les arbres, la tradition… Ecart, fossé entre un monde révolu et un présent sans avenir lisible… Incommensurable distance qui mènera à une paix viable…

« Que peux un recueil de vidéos et de films face à une série de bombardements, des systèmes de surveillances implacables et des libérations inachevés ? Résister, reconstruire à partir des ruines, exister, le dire et le montrer »
Olivier Hadouchi, préface au recueil « Resistance (s) Volume 3

Dans la vidéo de Ismaïl Bahri, les mots se laissent emporter, glissent, se dissolvent dans la masse uniforme de l’eau, semblent disparaître mais ils s’accrochent, s’agrippent, se reflètent, teintent, colorent, des traces restent persistantes malgré tout. Ils résistent.
Resistance(s) Volume III
Edité par Lowave Label
www.lowave.com